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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/213

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CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

qui était encore jeune à cette époque, et qui, en effet, ressemblait beaucoup à Auguste sous ce rapport ; il vante la pureté de sa vie, fait une courte digression sur les affaires d’argent de la mère de Côrae, Marie Salviati, et termine en mendiant un secours, en gémissant sur la dureté des temps, etc. Mais si Côrae le pensionnait[1], si, étant donnée sa parcimonie habituelle, il lui servait une pension assez élevée (160 ducats par an dans les derniers temps), cela tenait en partie à ce qu’en sa qualité d’agent espagnol il était un homme fort dangereux. Arétin pouvait se permettre de débiter contre Côme les injures les plus violentes, tout en menaçant le chargé d’affaires florentin de le faire avant peu révoquer par le duc. Et, bien qu’à la fin le Médicis se vît deviné par Charles-Quint, il n’en devait pas moins craindre qu’Arétin ne fit circuler à la cour impériale des mots piquants et des vers satiriques dirigés contre lui. Une flatterie d’un tour fort original est celle qu’il adresse au fameux marquis de Marignano, qui, étant simple « châtelain de Musso » (voir p. 33), essaya de fonder un État indépendant. Pour le remercier de lui avoir envoyé cent écus, Arétin lui écrit : « Toutes les qualités qui doivent orner un prince se rencontrent en vous ; tout le monde s’accorderait à le reconnaître si la violence ¡inséparable dos débuts d’un souverain ne vous faisait paraître encore un peu rude (aspro) [2]. »

On a souvent relevé, à titre de phénomène curieux, le fait que la méchanceté d’Arétin s’est toujours exercée

    Venez. 1539 fol. 29, du 21 nov. 1534, ainsi que les lettres à Charles-Quint où il dit entre autres que pas un homme ne se rapproche autant de la divinité que Charles.

  1. Pour ce qui suit, voir Gaye, Carteggio, II, p. 336, 337, 345.
  2. Lettere, eà. Venez. 1539, fol, 15, du 16 juin 1529, Comp. la remarquable lettre au même, du 15 avr. 1529, fol 212.