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CHAPITRE III. — LA TYRANNIE AU QUINZIÈME SIÈCLE.

signer des brevets avec un tel entrain, et toute sa petite cour se pourvoir de titres. Les humanistes, dont la parole faisait autorité à cette époque, étaient divisés selon leurs intérêts. Tandis que les uns[1] célèbrent l’Empereur avec l’enthousiasme conventionnel de la Rome impériale, le Pogge[2] ne sait plus du tout ce que signifie le couronnement ; chez les anciens, dit-il, on ne couronnait qu’un général victorieux, et c’était une couronne de laurier qu’on lui posait sur la tête[3].

Avec Maximilien Ier commence une nouvelle politique impériale à l’égard de l’Italie, Une politique qui se rattache à l’intervention de peuples étrangers. Son début, l’iuvestiiure de Ludovic le More avec suppression de son malheureux neveu, n’était pas de ceux qui portent de bons fruits. D’après la théorie moderne de l’intervention, quand deux compétiteurs se disputent un pays, un troisième peut venir prendre sa part du butin, et c’est ainsi que l’Empire pouvait aussi demander sa part. Mais il ne fallait plus parler de droit et d’autres considérations de ce genre. Lorsqu’on 1502 on attendait Louis XII à Gênes, qu’on détruisait la grande salle du palais des doges, et que partout on peignait des fleurs de lys, l’historien Senarega[4] allait demandant de tous côtés ce que

  1. Annales Estenses, dans Murat., XX, col. 41.
  2. Poggi, Hist. Florent. pop., lib, VII, dans Murat., XX, Col. 381. Cette manière de voir se rattache aux sentiments antimonarchiques de beaucoup d’humanistes de cette époque. Comp. les renseignements précieux donnés par Bezold, la théorie de la souveraineté populaire pendant le moyen âge, Hist., t. XXXVI, p. 365.
  3. Un certain nombre d’années après, le Vénitien Léonard Giustiniani critiquait le terme d’imperator comme n’étant pas classique ; par suite, il déclarait qu’il ue pouvait s’appliquer aux empereurs d’Allemagne, et traitait les Allemands de barbares à cause de leur ignorance des usages et de la langue de l’antiquité. L’humaniste H. Bebel défendit les Allemands contre ces accusations. Gomp. L. Geiger, dans la Biogr. génér., II, 196.
  4. Senarega, De reb. Gemens., dans Murat., XXIV, col. 575,