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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

Venise et Rome, et contre le roi Alphonse, veilla sur l’honneur de sa ville natale avec un soin jaloux, mais refusa toutes les distinctions qu’on voulut lui accorder ; grâce à ses discours et à ses négociations, il se couvrit de gloire et fut honoré du surnom de prophète, à cause de la sûreté avec laquelle il savait prévoir les événements.

Parmi les autres citoyens savants qui, à cette époque, vivaient à Florence, il faut mettre en première ligne Vespasiano (qui les connaissait tous). Le ton, le milieu dans lequel il écrit, l’autorité qu’il exerce dans ce monde de gens instruits, paraissent encore plus importants que ses travaux eux-mêmes. Même dans une traduction, à plus forte raison dans les iudications sommaires auxquelles il faut nous borner, il serait impossible de faire ressortir ce qui constitue surtout la valeur de son livre. Il n’est pas un grand écrivain, mais nul ne connaît mieux que lui le mouvement intellectuel d’alors, et il en apprécie l’importance mieux que personne.

Si l’on cherche à analyser le charme que les Médicis du quinzième siècle, surtout Côme l’ancien († 1464) et Laurent le Magnifique († 1492), ont exercé sur Florence et sur leurs contemporains en général, on trouve que le secret de celle merveilleuse influence, c’est qu’ils se sont mis à la tête du mouvement intellectuel de cette époque, sans parler de leur supériorité politique. Un homme qui a la situation de Côme, à la fois grand négociant et chef de parti, qui, de plus, a pour lui tout ce qui pense, étudie et écrit, que sa naissance place au premier rang parmi les Florentins et que sa culture fait considérer comme le plus grand des Italiens, celui-là est réellement un souverain. En outre, Côme possède la gloire d’avoir reconnu dans la philosophie de Pla-