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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

se sentaient jamais en sûreté ; lorsque Robert Malatesta et Frédéric d’Urbin moururent le même jour, l’un à Rome, l’autre à Bologne (1482), il se trouva que chacun en mourant faisait recommander ses États à l’autre[1]. Tout semblait permis contre une classe de gens qui se permettait tant de choses. Tout jeune encore, François Sforza avait été marié à une riche héritière de Calabre, Polyxène Ruffa, comtesse de Montalto, qui lui donna une fille ; une tante empoisonna la femme et l’enfant, et s’empara de la succession[2].

À partir de la mort de Piccinino, la formation de nouveaux États de condottieri fut manifestement considérée comme un scandale qu’on ne devait plus tolérer ; les quatre « grands États » de Naples, de Milan, les États de l’Église et Venise semblèrent organiser un système d’équilibre qui ne comportait plus ces corps politiques irréguliers. Dans les États de l’Église ou fourmillaient de petits tyrans qui avaient été condottieri ou qui l’étaient encore, les princes neveux s’arrogèrent, à partir de Sixte IV, le droit exclusif de se livrer à de telles entreprises. Mais à la moindre perturbation les condottieri reparaissaient. Sous le triste règne d’innocent Vlll, un certain capitaine Boccalino, qui avait été autrefois au service delà Bourgogne, fut sur le point de se donner aux Turcs avec la ville d’Osimo, dont il s’était emparé[3] ; on fut trop heureux de pouvoir se débarrasser de lui en lui donnant une grosse somme

    vénitien, en lui offrant de le faire duc de Milan, s’il chassait de Florence leur ennemi Piero de Médicis.

  1. Allegretti, Diarii Sanesi, dans Murat., XVIII, p. 811.
  2. Orationes Philadelphi, ed. Venez. 1492, fol. 9, dans l’oraison funèbre de François.
  3. Marin Sanudo, Vite de duchi de Ven. dans Murat., XXII, col 1241. Compar. Reumont, Laurent de Médicis (Leipzig, 1874), II, pp. 324-327, et les passages qui y sont cités.