Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

matière. « En 1459, lorsque le duc vint à Mantoue pour assister au congrès des princes, il était âgé de soixante ans (ou plutôt cinquante-huit) ; à cheval, on l’aurait pris pour un jeune homme ; il avait une majesté imposante, il était calme, affable ; une distinction souveraine éclatait dans toute sa personne ; il offrait la réunion la plus complète des avantages extérieurs et des dons de l’esprit, jamais il ne connut la défaite : tel était l’homme qui d’une humble condition s’éleva jusqu’au trône. Sa femme était belle et vertueuse, ses enfants étaient gracieux comme les anges du ciel ; il était rarement malade ; le succès couronna ses vœux les plus chers. Pourtant il paya son tribut à la mauvaise fortune : sa femme tua par jalousie la maîtresse qu’il aimait ; ses anciens compagnons d’armes et amis le quittèrent pour servir le roi Alphonse ; il lui fallut en faire pendre un autre, Ciarpollone, qui s’était rendu coupable de trahison ; son frère Alexandre excita les Français contre lui ; un de ses fils se laissa entraîner dans un complot et fut arrêté ; il perdit par une défaite la marche d’Ancône, qu’une victoire lui avait donnée. Personne ne jouit jamais d’uu bonheur absolument sans mélange. Celui-là seul est heureux qui n’a pas trop à souffrir des atteintes de la fortune. » C’est par cette définition négative que le savant pontife termine son portrait. S’il avait pu entrevoir l’avenir ou voulu examiner les conséquences du pouvoir absolu en général, il aurait été certainement frappé du danger résultant de l’absence de garanties que présentait la famille du duc. Ces enfants beaux comme des anges, qui

    tori XX) le bonheur de Sforza. Les astrologues disaient : « L’étoile de François Sforza présage du bonheur à un seul homme, mais des malheurs sans nombre à sa postérité » Arluni, De Bello Veneto libri VII, dans Grævius, Thes, antiq. et hist. Italicæ, V. pars III. Compar. aussi Barth. Facii de vir. ill, p. 67.