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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

C’est de lui et de ses deux successeurs, Guidobaldo et François-Marie, qu’on disait : « Ils bâtirent de beaux édifices, favorisèrent la culture du sol, vécurent dans le pays même et payèrent une foule de serviteurs ; le peuple les aimait[1]. » Ce n’était pas seulement l’État, mais encore ia cour qui présentait, à tous les égards, le spectacle d’un mécanisme régulier et savant. Frédéric entretenait cinq cents serviteurs ; les dignitaires de la cour étaient aussi nombreux que ceux qui entouraient les souverains les plus puissants ; mais on ne gaspillait rien, tout avait son but, toutes ies dépenses étaient exactement contrôlées, À Urbin, on ne jouait pas ; on n’y entendait ni blasphèmes, ni rodomontades ; c’est que la cour devait être en même temps une école d’éducation militaire pour les fils d’autres grands seigneurs, et le succès de cet établissement était une question d’honneur pour le duc. Il y avait des palais plus beaux que celui qu’il se fit construire ; mais, au point de vue de la disposition, il n’y en avait pas de plus classique : c’est là qu’il réunit sa célèbre bibliothèque, le plus précieux de ses trésors [2]. Comme il se sentait en parfaite sécurité dans un pays où tout le monde trouvait, grâce à lui, de l’argent à gagner et où personne ne mendiait, il sortait toujours sans armes et presque sans escorte ; aucun autre prince n’aurait pu, comme lui, se promener dans des jardins sans clôture, prendre son frugal repas dans une salle ouverte à tous les regards, pendant qu’on lui lisait

  1. Franc. Vettori, dans Archiv, stor. Append, t. VI p. 321 — Relativement à Frédéric, consulter spécialement : Vespasiano florent., p. 132 ss., et Prendilacqua, Vita di Vittorino da Feltre, pp. 48-52. V. avait essayé de calmer l’ambitieux Frédéric, son élève, en lui disant : Tu quoque Cœsar eris. On trouve de précieux renseigniements sur lui dans Favre, par ex., Mélanges d’hist. litt., I, 125, n. 1
  2. Compar. plus bas, 3e partie, chap. ii.