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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

des pages de Tite-Live (ou, pendant le carême, des ouvrages de piété). Dans la même après-midi, il écoutait la lecture d’un auteur ancien, et allait ensuite au couvent des Clarisses pour s’entretenir, à travers la grille du parloir, de sujets religieux avec la supérieure. Le soir, il aimait à diriger les exercices corporels des jeunes gens de sa cour dans la prairie voisine de San Francesco, d’où l’on découvrait une vue splendide, et s’occupait à développer chez eux ia vigueur et l’agilité. Il prenait à tâche d’être affable envers chacun et abordable pour tous ; il allait voir dans leurs ateliers les ouvriers qui travaillaient pour lui, donnait continuellement des audiences et faisait droit dans la journée, si c’était possible, aux requêtes des solliciteurs. Aussi, quand il passait dans les rues, le peuple se jetait à genoux devant lui et criait : Dio ti mantegna, signore ! Le monde éclairé l’appelait la lumière de l’ltalie[1].

Son fils, Guidobaldo[2], qui possédait de grandes qualités, mais qui eut à lutter constamment contre la maladie et le malheur, finit cependant par remettre son État entre des mains sûres ; il laissa le pouvoir à son neveu, François-Marie, qui était en même temps neveu du pape Jules II, et ce prince empêcha du moins le duché de tomber sous une domination étrangère. Ce qui est remarquable, c’est l’habileté avec laquelle ces deux princes savent se dérober successivement aux coups de César Borgia et de Léon X ; ils ont la certitude que leur retour sera d’autant plus facile et que leurs sujets le désireront

  1. Castiglione Cortigiano, L, I. t l
  2. Petr. Bembus. De Guido Ubaldo Feretrio deque Elisabetha Gonzaga Urbini ducibus. Venetis, 1530. Voir aussi les ouvrages de Bembo, p. ex., Bâle, 1556, I, pp. 529-624. On y trouve entre autres la lettre de Fréd. Fregosus et le discours d’Odaxius sur la vie et la mort de Guido.