Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

rendait solennellement à l’église ; dans aucune autre circonstance, on ne pouvait trouver réunie toute une famille princière. C’est ainsi que les habitants de Fabriano[1] tuèrent (1435) leurs tyrans, les Chiavelli, pendant une grand’messe ; il avait été convenu que le massacre commencerait quand le prêtre prononcerait ces mots du Credo : Et incarnatus est. À Milan, le duc Jean-Marie Visconti fut assassiné à l’entrée de l’église de Saint-Gothard (1412), le duc Galéas-Marie Sforza dans l’église de Saint-Étienne (1476) (p. 51), et Ludovic le More n’échappa en 1484 aux poignards des partisans de la duchesse Bonne, veuve du duc de Milan, qu’en entrant dans l’église de Saint-Ambroise par une autre porte que celle où l’attendaient les sicaires. Ce n’étaient pas là des impiétés préméditées ; les meurtriers de Galéas, avant de frapper ce prince, prièrent le saint auquel l’église était dédiée, et assistèrent à la première messe dans le temple même qu’ils devaient ensanglanter. Cependant, lors de la conjuration tramée par les Pazzi contre Laurent et Julien de Médicis (1478), une cause de l’avortement partiel du complot fut que le capitaine Jean-Baptiste de Montesecco, que les conjurés avaient choisi comme instrument de leur dessein, refusa de frapper dans le dôme de Florence les victimes désignées, attendu qu’il s’était engagé à les tuer au milieu d’un festin ; deux prêtres, « qui avaient l’habitude des lieux sacrés et qui n’avaient pas peur d’ensanglanter une église », s’entendirent pour prendre sa place[2].

En ce qui concerne l’antiquité, dont nous rappellerons

  1. Corio, fol. 333. Voir ibid., fol, 305, 422 ss., 440.
  2. Citation empruntée à Gallus, dans Sismondi, XI, 93. Sur l’ensemble, compar. Reumont, Laurent de Médicis, I, p. 387-397, surtout 396.