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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

s’en prendre à sa famille, mais encore parce que, dans la plupart des cas, c’était la justice et non la passion qui prononçait[1]. il n’est guère d’État qui ait exercé à distance une plus grande autorité morale sur les siens. Si, par exemple, il y avait des dénonciateurs parmi les Pregadi, cet inconvénient était largement compensé par le fait qu’à l’étranger tout Vénitieu était pour son gouvernement uu espion zélé. Il va de soi que les cardinaux vénitiens qui se trouvaient à Rome instruisaient la République de ce qui se passait dans les consistoires secrets présidés par le Pape. Le cardinal Dominique Grimani fit intercepter dans le voisinage de Rome (1500) les dépêches qu’Ascanio Sforza envoyait à son frère Ludovic le More, et les expédia à Venise ; son père, qui, à la même époque, était sous le coup d’une grave accusation, fit valoir ce service de son fils devant le Grand Conseil, c’est-à-dire devant tout le monde[2].

Nous avons indiqué plus haut (p. 27, note 3) comment Venise traitait ses condottieri. Si elle voulait chercher encore quelque garantie particulière de leur fidélité, elle la trouvait dans leur grand nombre, qui rendait la trahison aussi difficile qu’elle en facilitait la découverte. À la vue de la composition des armées vénitiennes, on se demande comment une action commune était possible avec des troupes aussi disparates. Dans l’armée qui fit la guerre de 1495, on voit figurer [3] 15,526 chevaux, tous

  1. Chron. f/enetum, MuRiT., XXIV, col. 123 SS., et Malipiero, en d’autres endroits, VU, I, p. 175, 187 ss., racontent le cas frappant de l’amiral Antonio Grimani, qui, accusé d avoir refusé de remettre le commandement en chef à un autre, se fait mettre tes fers aux pieds avant de venir à Venise et se présente ainsi devant le Sénat. Relativement à son sort ultérieur, compar. Egnatius, fol. 183a ss., 189 b ss.
  2. Chron. J/en., loc. cit., co. KG. ... „
  3. >Malipiero, Iûc. cit., VII, I, p. 349. D’autrcs relevés de ce genre