Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/127

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expressions qu’on voudra, pourvu que le peuple s’en serve encore, même si elles proviennent d’ailleurs que de la Toscane ; qu’on prenne même de temps en temps des mots français et espagnols, si l’usage les a adoptés et s‘ils répondent à des idées nettement définies [1]. C’est ainsi qu’on formera, à force d’intelligence et de travail, une langue qui ne sera pas, il est vrai, le vieux toscan pur, mais qui sera italienne, qui sera riche comme un délicieux jardin plein de fleurs et de fruits. Il faut qu’à toutes les autres perfections le courtisan joigne celle du langage, qui peut lui permettre de faire valoir son tact, son esprit et ses nobles sentiments.

Comme la langue était devenue pour la société une question d‘intérêt commun, les archaïstes et les puristes virent en grande partie échouer leurs efforts. Il y avait dans la Toscane même trop d’auteurs remarquables et d’hommes distingués qui méprisaient leurs prétentions on même qui s’en moquaient, chose qui arrivait surtout quand quelque sage venu du dehors essayait de prouver aux Toscans qu’ils n’entendaient pas leur propre langue [2].

  1. Seulement il ne fallait pas aller trop loin dans cette voie. Les poëtes satiriques mêlent à leurs vers des bribes d’espagnol, et Folengo (sous le pseudonyme de Limerno Pitocco, dans son Orlandino) émaille son poëme de mots français ; mais ils ne le font que dans une intention moqueuse. Dans les comédies on voit souvent un Espagnol qui parle un jargon ridicule, composé d‘espagnol et d‘italien. Il est extraordinaire qu’une rue de Milan .............française, de 1500 à 1512 et de 1515 à 1522, s‘appelait rue Belle, porte encoreaujourd’hui le nom .................. longue domination espagnole ; tout au plus quelques édifices et ...............
  2. Firenzuola, Opere, I, dans la préface sur la beauté féminine, et II, dans les Ragionamenti qui précèdent les nouvelles.