Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/138

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distinguées (dans le troisième livre) renferme un grand nombre d’observations psychologiques très-fines, mais qui, pour la plupart, ont un caractère trop général ; de même, la glorification presque lyrique de l’amour idéal (à la fin du quatrième livre) n’a plus rien de commun avec l’objet particulier de l’ouvrage. Pourtant ici, comme dans les Asolani de Bembo, le raffinement extraordinaire de la culture se révèle dans la manière délicate dont les sentiments sont analysés. Sans doute, on ne peut pas prendre ces auteurs au mot, et leurs théories ne sont pas des articles de foi. Mais il est certain que des sujets de ce genre se traitaient dans la société élégante ; nous verrons plus bas que non-seulement l’afféterie mais encore la passion véritable se complaisaient dans cette subtile analyse du cœur humain.

Au physique, le courtisan doit d’abord exceller dans ce qu’on appelle les exercices chevaleresques ; de plus, il faut qu’il possède encore bien d’autres talents, qu’on ne peut exiger que dans une cour polie, régulière, où le grand moteur est l’émulation, dans une cour comme il n’en existait pas alors hors de l’Italie ; telles des qualités qu’on demande au courtisan ont leur raison d’être dans une idée générale, presque abstraite, de la perfection individuelle. Il faut que l’homme de cour soit familiarisé avec tous les jeux nobles ; on veut même qu’il soit habile à sauter, à courir, à nager, à lutter ; il doit surtout être un danseur accompli et, — cela va de soi, — un cavalier émérite. Il faut, en outre, qu’il possède plusieurs langues, qu’il sache au moins l’italien et le latin, qu’il soit versé dans la littérature et qu’il soit bon juge en matière d’arts plastiques ; on lui demande même un certain degré de virtuosité en fait de musique, mais on veut qu’il se garde bien de faire montre de son talent. Naturellement on ne