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CHAPITRE II. — LA RELIGION DANS LA VIE JOURNALIÈRE. 247 ment et Timaginafion créent une situation qui tend à faire de Florence un royaume de Dieu sur la terre. Les prédictions, dont la réalisation partielle faisait apparaître Savonarole comme un être surhumain, surexcitèrent l’ardente imagination italienne et eurent raison des esprits les plus rebelles. Au début, les Franciscains de l’Observance, fiers de la gloire que leur avait léguée saint Bernardin de Sienne, se figurèrent qu’ils pourraient venir à bout de Tillustre Dominicain eu lui faisant concurrence. Ils procurèrent à l’un des leurs l’accès de la chaire de la cathédrale, et celui-ci renchérit encore sur les sinistres prédictions de Savonarole, jusqu’au moment où Pierre de Médicis, qui à cette époque régnait encore sur Florence, imposa silence à tous deux jusqu’i nouvel ordre. Bientôt après, lorsque Charles VIII vint en Italie et que les Médicis furent chassés, ainsi que Savonarole Tavait nettement annoncé, on n’eut plus foi qu’en lui. Il faut bien avouer ici qu’il est très-indulgent pour ses pressentiments et ses visions à lui, et qu’il est passablement sévère pour ceux des autres. Dans l’oraison funèbre de Pic de la Mirándole, il traite sou ami défunt avec une certaine dureté. Voyant, dit-il, que Pic ne voulait pas entrer dans l’Ordre des Dominicains malgré une voix íutérieure qui venait du ciel, il a prié lui-méme Dieu de le châtier ; mais il n’a pas souhaité sa mort ; maintenant, à force d’aumônes et de prières, il a obtenu que sou âme se trouve provisoirement dans le purgatoire. Relativement â une vision consolante que Pic avait eue sur sou lit de douleur (la Madone lui était apparue et lui avait promis qu’il ne mourrait pas), Savonarole avoue qu’il Fa prise longtemps pour une illusion du démon, jusqu’à ce qu’il lui eût été révélé que fa Madone avait entendu parler de la seconde mort, c’est-