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CHAPITRE III
LA RELIGION ET L’ESPRIT DE LA RENAISSANCE

Pour arriver à des conclusions décisives sur le sentiment religieux chez les hommes de la Renaissance, il faut que nous suivions une autre voie. C’est par leur culture intellectuelle qu’il faut l’expliquer.

Ces hommes modernes, qui représentent la civilisation italienne du temps, sont nés religieux comme les Occidentaux du moyen âge, mais leur puissant individualisme les rend tout à fait subjectifs sons ce rapport comme sous d’autres, et le charme extraordinaire qu’ils trouvent dans la découverte du monde extérieur et du monde de la pensée les rend avant tout mondains. Dans le reste de l’Europe, au contraire, la religion subsiste plus longtemps comme une tradition objective, et dans la vie de tous les jours l’égoïsme et la sensualité alternent sans cesse avec la piété et la pénitence ; cette dernière n’a pas encore de concurrence intellectuelle comme en Italie, ou du moins elle en a une infiniment moindre.

D’autre part, le contact fréquent et intime avec des Byzantins et des mahométans avait de tout temps maintenu une tolérance, une neutralité devant laquelle s’effaçait jusqu’à un certain point l’idée ethnographique d’une chrétienté d’Occident privilégiée. Et lorsque enfin l’anti-