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quité classique, avec ses hommes illustres et ses grandes institutions, devint l’idéal de la vie parce qu’elle était le plus glorieux souvenir de l’Italie, la spéculation, l’idée antique régna parfois en souveraine dans l’esprit des Italiens.

Comme, d’un autre côté, les Italiens étaient les premiers Européens modernes qui discutaient hardiment les idées de liberté et de fatalité, comme ils le faisaient sous un régime politique où la force primait le droit et qui ressemblait souvent au triomphe éclatant et durable du mal, l’idée qu’ils se faisaient de la Divinité perdit de sa consistance, et ils tournèrent au fatalisme. Et, si leur caractère passionné ne voulait pas s’en tenir à l’incertain, beaucoup d’entre eux se contentaient de compléter leurs croyances en adoptant certaines superstitions de l’antiquité, de l’Orient et du moyen âge ; ils crurent à l’astrologie et à la magie.

Mais enfin les esprits puissants qui sont les promoteurs de la Renaissance, ont souvent, sous le rapport religieux, une qualité toute juvénile : ils savent très-bien faire la distinction entre le bien et le mal, mais le péché n’existe pas pour eux ; quand l’harmonie intérieure de leur être est troublée, ils la rétablissent grâce à leur force plastique ; aussi ne connaissent-ils point le repentir ; il en résulte que le besoin du salut devient moins impérieux, pendant que l’ambition et la tension journalière de l’esprit font disparaître la pensée d’une autre vie ou lui font revêtir une forme poétique au lieu de la forme dogmatique.

Si l’on se figure cet état des esprits où l’imagination altère ou confond tout, on aura une idée plus exacte de cette époque que si l’on accueille sans contrôle les accusations de paganisme moderne. En creusant davan-