Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/289

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vallée de larmes et à coter aussi bas que possible le bonheur des différentes conditions. Tel est, en somme, le ton qui domine dans son livre ; il passe en revue une foule de gens considérables, établit le doit et avoir de leur bonheur et de leur malheur, et trouve que les jours heureux sont infiniment moins nombreux que les autres, Tristan Caracciolo [1] retrace avec beaucoup d’élévation en même temps qu’avec une certaine teinte de mélancolie le sort de l’Italie et des Italiens, autant qu’on pouvait en embrasser toutes les vicissitudes en 1510. C’est dans le même esprit que Pierio Valeriano écrivit plus tard sa célèbre dissertation. (T. 1, p. 345-347.) Il y eut dans ce genre des chroniques particulièrement intéressantes, telles que le iivre qui retrace la fortune de Léon X. Ce qu’on peut dire de favorable sur cet ouvrage au point de vue politique, Francesco Vettori l‘a exprimé avec une concision magistrale ; Paul Jove et la biographie d’un inconnu [2] retracent la vie de plaisir du pontife ; quant aux côtés sombres de sa brillante existence, Pierio, que nous venons de nommer, les fait ressortir avec une inexorable fidélité.

Après de tels exemples, on éprouve presque un sentiment d’épouvante quand on trouve certaines inscriptions latines où des hommes se vantent publiquement de leur bonheur. C’est ainsi que Giovanni II Bentivoglio, souverain de Bologne, avait osé faire inscrire sur la tour nouvellement construite près de son palais que « son mérite et sa bonne étoile lui avaient donné tous les biens désirables [3]... », et cela peu d’années avant qu’il

  1. Caracciolo, Devarîetaleforîunœ, dansMuRAT., XXII. C’est un des écrits les plus curieux de cette période si féconde en ouvrages intéressants. Comp. p. 62 — sur la Fortune dans les cortèges solennels, voir p. 176 et note 1, même page.
  2. Leonis X lita ^.nonyma, dans Uoscoe, ed. Bossi, XII, p. 153.
  3. Bursellis, Ann. Bonon,, dans Murat., XXIII, col. 909 ; Moni-