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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/34

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peu sensibles, les autres verront-ils comme lui des faits palpables ? Cette révélation lente et successive de l’âme d’un peuple est un phénomène que tous les observateurs peuvent ne pas voir des mêmes yeux. C’est le temps seul qui fera la lumière à cet égard.

Heureusement la connaissance de la partie spirituelle de l’homme ne débuta pas par de pénibles études psychologiques, — car Aristote était là, — mais par l’observation et la description. L’inévitable bagage théorique se borne à la doctrine des quatre tempéraments, combinée, suivant les errements de l’époque, avec le dogme de l’influence des planètes. Ces éléments forment,depuis un temps immémorial, la base invariable de l’étude de l’homme, sans entraver d’ailleurs le grand progrès général. Sans doute on est étonné de les voir figurer à une époque où non-seulement on sait décrire l’homme exactement, mais où un art merveilleux, une poésie impérissable le font encore connaître en entier, révèlent son essence même el reproduisent les caractères extérieurs qui le distinguent. On est presque tenté de rire quand on voit un observateur d’ailleurs sérieux attribuer à Clément Vll un tempérament mélancolique, tout en subordonnant son jugement à celui des médecins, qui reconnaissent plutôt chez le Pape un tempérament sanguin et bilieux [1]. Il en est de même quand nous apprenons que Gaston de Foix, le vainqueur de Ravenne, dont Giorgione a fait le portrait et Bambaja la statue, et que tous les historiens ont peint au physique et au moral, avait un tempérament saturnien (saturnico) [2]. Sans

  1. Tomm. Car, Belaz. della corU di Îtoma, I, p. 278, 279. Daos la rei. de Soriano sur l’année 1533.
  2. Prato, Areh. stor,, III, p. 295 SS. — Saturnico signifie aussi bien « malheureux » que « funeste ». — Sur le rapport des planètes