Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/40

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l’esprit et l’âme font tout à coup un pas immense vers la connaissance de leur vie la plus intime.

Mais ce que la Divine Comédie renferme en fait de révélations de ce genre estabsolument incommensurable ; il faudrait parcourir tout ce grand poëme, chant par chant, pour bien montrer tout ce qu’il vaut à cet égard. Heureusement cela est inutile, puisque depuis longtemps la Divine Comédie est devenue le pain quotidien de tous les peuples occidentaux. Le plan du poëme et l’idée qui lui sert de base appartiennent an moyen âge et n‘ont pour nous qu’un intérêt historique ; mais par la richesse et la grande puissance plastique avec laquelle le poète décrit la vie intérieure à tous ses degrés et avec tous ses phénomènes, son œuvre inaugure la poésie moderne [1].

Que cette poésie ait ses vicissitudes, qu’elle ait parfois des éclipses d’un demi-siècle, qu’importe ? Son principe vital est immortel, et chaque fois qu’au quatorzième, an quinzième et au commencement du seizième siècle un esprit profond et original s’inspire d’elle en Italie il représente une bien plus haute puissance intellectuelle que tout autre poëte étranger, même en admettant l’égalité de talent.

En Italie, la culture (dont la poésie est une manifestation essentielle) précède toujours l’art plastique et contribue â le faire naître et à le développer ; le même fait se reproduit ici. Il faut plus d’un siècle pour que les phénomènes intérieurs, pour que la vie de l’âme arrive dans la sculpture et dans ta peinture à une expression comparable à celle que Dante a su lui donner. Peu nous importe

  1. Au point de vue de la psychotogie théorique de Dante, le commencement dn chant IV du Perya, est un des passages les plus importants. Comp. en outre les parties du Convtio qui ont trait à cette question.