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Vita de Benvenuto Eurvlvra à ses œuvres, bien que la valeur de l’ouvrage de Cardano soit tout autre. Cardano s’étudie en médecin et décrit sa personnalité physique, intellectuelle et morale, eu exposant les conditions dans lesquelles elle s’est développée, et il le fait avec toute la sincérité et toute la vérité objective dont il est capable. Il a pu surpasser à cet égard le modèle qu’il a choisi, les Monologues de Marc-Aurèle, parce qu’il n’était pas gêné par les préceptes de la philosophie stoïcienne. Il ne prétend ni se ménager lui-même ni ménager le monde ; n’a-t-il pas vu le jour après une inuüle tentative d’avortement faite par sa mère ? Il se borne à attribuer aux astres qui ont présidé à sa naissance sa destinée et ses qualités Intellectuelles ; il faut loi savoir gré de ne pas les avoir rendus responsables de ses qualités morales ; il avoue sans détour (chap. X) que l’idée qu’il ne vivrait pas au delà de quarante ans, de quarante-cinq ans au plus, idée basée sur des opérations d’astrologie, lui a fait beaucoup de tort dans sa jeunesse. Nous ne pouvons pas donner ici des extraits d’un livre aussi répandu, qui se trouve dans toutes les bibliothèques. Celui qui en commencera la lecture ira jusqu’au bout. Sans doute Cardano confesse qu’il a été malhonnête au jeu, vindicatif, inaccessible au repentir, médisant, diffamateur ; il avoue tout cela sans effronterie, mais aussi sans regret, sans vouloir se rendre intéressant par cet aveu, avec la sincérité brutale du naturaliste. Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est qu’à soixante-seize ans, après tous les événements douloureux et terribles qu’il a traversés[1], plein de défiance à l’égard des hommes, il n’en

  1. P. ex. l’exécution de son fils aîné, qui avait empoisonné sa femme coupable d’adultère. Chap. XXVII, p. 50.