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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/132

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longtemps déjà, aussi est-il un peu affaissé ; mais son regard dit qu’il guette encore, et son attitude aisée, de même que la structure de ses membres, laisse deviner avec quelle souplesse il se relèvera d’un saut. L’art ne créera plus une figure de jeune homme assise et non drapée sans s’inspirer de cette statue d’airain, au moins par un regard. Le type est de l’époque des Diadoches, et, abstraction faite des formes, il intéresse par le caractère réaliste de la tête, dans laquelle l’expression noble et fine fait place à la ruse.

Aux Uffizi à Florence (corridor 1), une excellente statue, bien conservée, de Mercure, à qui les ailes poussent directement au-dessus de la cheville [a]. Bien plus important est le Mercure assis [b], malheureusement soumis à de grandes restaurations qui l’ont changé en Apollon. Il est placé dans le second corridor. Le dieu, dans l’idée du sculpteur, était très jeune ; mais il fut exécuté dans des proportions plus grandes, en sorte que, une fois mutilé, il n’était pas facilement reconnaissable, car son futur développement gymnastique est à peine indiqué. Un regard jeté sur un Apollon jeune aussi, tel que l’Apollon Sauroctone, montre bien la différence essentielle entre les deux figures ; les formes d’Apollon expriment l’être le plus subtil, tandis que la vigueur et la souplesse sont les principaux caractères de Mercure, même au repos, comme ici, dans cette statue de Florence, qui est une belle œuvre romaine. Dans le voisinage, une figure semblable, maia bien plus médiocre, a le vrai type de Mercure [c] ; la lyre, dont il était l’inventeur, est ici antique. — Mercure est représenté encore plus enfant [d] et presque avec fantaisie dans une statue de la salle des Inscriptions, même musée ; c’est encore une œuvre romaine. Le dieu est debout, appuyé sur un tronc d’arbre ; primitivement il tenait, dans la main droite, un objet vers lequel se porte son regard. — Un buste de Mercure adolescent [e], provenant d’Ostie, est au Palais de Latran, dernière salle. Plusieurs musées possèdent de belles têtes de Mercure, aux cheveux non bouclés, à l’ovale noble, au visage expressif et fin, qu’on regarde aussi comme têtes d’athlètes. — Il n’est pas facile de décider si le torse en basalte [f], d’un bon style romain, qu’on voit dans la salle d’Hermaphrodite, aux Uffizi, représentait un Mercure ou un satyre.


Comme protecteur des gymnases, Mercure a pour famille tous les athlètes que l’art grec a conçus. Qu’on ne s’attende pas à leur trouver des ressemblances avec les esclaves romains qu’on dressait au métier de gladiateur. Le jeune Grec s’exerçait volontairement dans tous les genres de gymnastique, car, à ses yeux, le développement harmonieux de l’homme tout entier était le but de la vie. Ainsi le représentait l’art, avec des mouvements nobles ou une noble attitude, souple, mais non sautillant, avec des signes visibles du développement gymnastique ; tout le corps paraît exercé dans toutes ses parties et victorieux de la mollesse, sans