Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/75

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posite, car cet ordre paraît avoir été surtout celui des arcs de triomphe et des palais. On voit un certain nombre de chapiteaux composites dans l’église Ara cœli à Rome [a].


La plus grande partie des colonnes antiques qui subsistent encore, et qui proviennent ordinairement des temples, se trouve dans les basiliques chrétiennes d’Italie, où elles supportent la nef du milieu et le porche, et sont aussi enclavées de toutes manières dans les murailles. Quand le christianisme eut triomphé, les temples païens furent certainement partout les premiers édifices qui durent livrer leurs ornements aux églises. Les plus anciennes basiliques, celles des dix premiers siècles du ohistianisme, époque où le choix était plus grand, reposent le plus souvent sur l’ancienne colonnade extérieure d’un seul et même édifice antique ; aussi les colonnes sont-elles pareilles et ont-elles des chapiteaux identiques (exemple concluant : S. Sabina [b], sur l’Aventin). Plus tard on fut déjà obligé de rassembler des colonnes de grandeurs et d’ordres différents provenant de différents édifices, de raccourcir les unes, d’exhausser les autres par des socles et d’y aider encore avec des chapiteaux grossièrement imités. Ainsi les temples furent bien transformés en églises, mais dans un tout autre sens qu’on ne se l’imagine. Nous ne dénombrerons pas ces édifices, parce que l’intérêt que présente leur nature réclame une autre place, et parce que la facture des détails, surtout pour les colonnes corinthiennes des basiliques hors de Rome, n’est que rarement ou même nulle part assez pure et assez belle pour mériter d’être citée ici comme classique.

Bien qu’on ait prodigué sans mesure les colonnes des temples aux églises, bien qu’on soit venu de fort loin chercher des colonnes à Rome[1], la disparition complète de plusieurs milliers de celles-ci est cependant un fait encore Inexpliqué. Il faut y ajouter les entablements perdus, dont les parties séparées, allant souvent jusqu’à 6 pieds de diamètre depuis l’architrave jusqu’à la corniche, avaient été cependant tirées d’un seul bloc, et qui, si elles étaient encore là, se feraient bien remarquer. Devant les deux énormes fragments du Temple du Soleil, bâti par Aurélien (dans les jardins du Palais Colonna à Rome) [c], on se demande involontairement ce qu’est devenu le reste. Il se peut sans doute que bien des débris soient encore ensevelis pêle-mêle sous le sol actuel, mais il est permis de supposer que la Rome du moyen âge alimentait ses fours à chaux avec des marbres antiques, comme l’ont montré, par exemple, les fouilles d’Ostie.


Aux temples se rattachent naturellement tes tombeaux, qui étaient, dans un sens, de véritables sanctuaires des mânes. Nous laissons de côté

  1. Cela est arrivé, comme on sait, à Charlemagne, entre autres. — Au douzième siècle même, il s’en fallut de bien peu que pour la reconstruction de Saint-Denis, près de Paris, on ne prît à Berne les colonnes toutes prêtes.