Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/120

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n’eût pas faim, ou qu’elle ne trouvât pas le dîner à son goût. Le jour dont nous parlons, le comte paraissait avoir un peu plus d’appétit que de coutume ; peut-être est-ce parce qu’il avait à penser à autre chose qu’à la saveur des mets et à la perfection des sauces. Il regardait son petit-fils au travers de la table. Il ne parlait pas beaucoup lui-même, mais il faisait causer le jeune garçon. Il ne s’était jamais imaginé jusque-là qu’il pût s’entretenir avec un enfant, mais la conversation de Cédric l’amusait et l’intéressait. Il se rappelait, en outre, combien il avait fait sentir la pesanteur de son corps à l’épaule de son petit-fils, rien que pour éprouver jusqu’où pouvaient aller son courage et sa faculté de résistance, et il se plaisait à penser que l’enfant qu’il avait sous les yeux, et qui à lui seul représentait sa noble race, n’avait pas faibli ni songé un instant à abandonner la tâche qu’il avait entreprise.

« Vous ne portez pas toujours votre couronne ? dit tout à coup lord Fautleroy.

— Non, répliqua le comte avec son espèce de sourire ; cela ne me convient pas.

— M. Hobbes croyait que vous l’aviez toujours ; pourtant, après y avoir réfléchi, il pensait que vous deviez l’ôter quelquefois pour mettre votre chapeau.

— En effet, dit le comte de même ; je la retire de temps en temps. »

Pour le coup, la gravité abandonna un des domestiques, qui se retourna vivement et porta la main à sa bouche pour étouffer un éclat de rire, qui se traduisit par un léger accès de toux.