Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/262

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« Vraiment ? Et vous m’aimerez encore ? dit-il. Eh bien ! alors, je ne me soucie pas du tout d’être ou de ne pas être comte ! Je pensais que c’était l’autre garçon qui en même temps devait être comte et votre petit-fils, et que moi je ne serais plus ni l’un ni l’autre. C’est ce qui m’avait rendu tout triste ; mais puisque je serai encore votre petit garçon, puisque vous m’aimerez encore, que Chérie garde sa maison et sa voiture, qu’est-ce que cela peut me faire de m’appeler lord Fautleroy ou Cédric Errol ? »

Le comte mit la main sur l’épaule de l’enfant et l’attira près de lui.

« Ils ne vous prendront rien de ce que je pourrai vous conserver, dit-il de la même voix étrange. Je ne veux pas croire qu’ils puissent vous enlever quelque chose. Vous êtes fait pour la place et… et vous la garderez. Quoi qu’il arrive, vous aurez tout ce que je pourrai vous donner… tout ! »

Il ne semblait pas se rappeler qu’il parlait à un enfant, tant il y avait de résolution sur son visage et dans sa voix ; c’était plutôt comme s’il se faisait une promesse à lui-même, et peut-être en effet en était-il ainsi. Il ne s’était jamais douté jusque-là combien était profonde l’affection qu’il avait pour son petit-fils, et combien fort le lien qui l’attachait à lui. Il n’avait pas encore vu la beauté, la grâce, la force de cet enfant, tout ce qui en lui flattait son orgueil, comme il les voyait en ce moment. Il paraissait impossible à sa nature arrogante et obstinée, il lui paraissait plus qu’impossible d’abandonner le petit garçon auquel il avait attaché son cœur, et il était résolu à ne pas s’en séparer sans un combat acharné.