Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/103

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même une preuve. J’étois tombée évanouie dans ses bras, accablée par tant d’émotions que sa vue produisit naturellement sur moi : elle témoigna beaucoup d’inquiétude, elle répandit des larmes, et s’écria : « Ah ! puissé-je ne pas perdre, pour la seconde fois, ma pauvre fille » ! Cette marque de bonté m’auroit soulagée, si madame Duval n’eût excité toute mon indignation par les propos qu’elle se permit sur votre sujet, mon cher, mon généreux bienfaiteur ; mais la douleur et la colère firent bientôt place à un sentiment plus désagréable, à la crainte. Elle m’informa que le but de son voyage étoit de m’amener avec elle en France ; qu’elle avoit formé ce plan depuis l’instant qu’elle avoit été instruite de ma naissance ; découverte qu’elle n’avoit faite que lorsque je pouvois être parvenue à l’âge de douze ans ; que M. Duval, qu’elle appeloit le plus méchant des maris, l’avoit empêchée d’exécuter ce dessein plutôt ; que celui-ci étant mort depuis trois mois, elle s’étoit hâtée de mettre ses affaires en ordre : après quoi, son premier soin avoit été de venir en Angleterre. Elle a déjà quitté le deuil ; car elle dit que personne ne sait ici depuis quand elle est veuve.