Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/201

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parleroit au capitaine, si notre séjour à Londres étoit de quelque durée. C’est toujours M. Mirvan qui introduit sir Clément dans nos parties ; ses airs de familiarité ne suffiroient pas pour l’y faire admettre.

À la table de mylord Orville se trouvoit un gentilhomme ; — je l’appelle ainsi parce qu’il étoit en si bonne compagnie, — qui, depuis le moment que j’eus pris place, me regarda fixement en face, sans détourner les yeux pendant tout le temps qu’on servit le thé. Il devoit s’appercevoir aisément que j’étois choquée d’un procédé aussi peu mesuré ; et, en effet, j’étois surprise de ce qu’un homme de la société de mylord Orville pût se permettre des libertés aussi insultantes. J’avois mauvaise opinion de son éducation, et mes soupçons furent confirmés, lorsque je lui entendis dire à l’oreille de sir Clément, mais assez haut pour que je n’en perdisse rien : « Au nom du ciel, Willoughby, qui est cette charmante créature » ?

Je fus curieuse de la réponse, et je demeurai aux écoutes en tournant la tête d’un autre côté. Sir Clément m’étonna un peu, en disant à l’inconnu : « Je ne vous dirai pas, mylord, qui elle est ; je l’ignore moi-même ».