Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/344

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dit-il, qu’à la première occasion je lui ferai boire un affront des plus sanglans. Ah ! si j’avois su que cet homme n’étoit qu’un gueux, comme je lui aurois rabattu les grands airs qu’il s’est donnés en arrivant » !

« Et quels airs, demanda madame Duval » ?

« Vous n’avez pas d’idée, ma tante, des querelles que j’ai eues avec lui. Un jour entr’autres, je lui dis, je ne me rappelle plus à quel propos, que peut-être il n’avoit jamais eu ci-devant une aussi bonne table que la nôtre. À cette seule parole, voilà-t-il pas qu’il se met dans une colère de possédé. Heureusement je n’y fis pas grande attention ; mais à l’avenir je saurai bien l’obliger à filer plus doux ».

« Oui, reprit miss Polly ; mais il a bien changé depuis quelques jours, il ne se sauve plus, il ne se cache plus ; il est d’une honnêteté charmante : on le voit toujours dans la boutique, il monte et descend à tout moment, il guette tous ceux qui entrent chez nous ».

« Vous voyez bien ce qu’il cherche, répondit M. Branghton ; c’est à miss qu’il en veut ».