Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/53

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rougissois ; l’idée de danser en présence de tant de monde, et sur-tout avec un inconnu, me déconcerta : cependant la chose étoit inévitable ; car j’eus beau promener mes regards dans la salle, je n’y rencontrois personne qui ne fût étranger pour moi. Je donnai donc le bras à mon cavalier, et nous allâmes joindre les rangs.

Les menuets étoient finis avant que nous arrivassions ; nos marchands de modes n’avoient été prêts que fort tard.

Mon danseur témoigna une grande envie de lier conversation avec moi ; mais je fus tellement intimidée, que je pouvois à peine proférer une parole ; et si je n’avois pas été honteuse de changer d’avis à chaque instant, je serois retournée à ma chaise pour ne pas danser de toute la soirée.

Il fut surpris de mon embarras, qui n’étoit que trop visible. Je ne sais ce qu’il pensa de moi ; mais il ne me dit plus rien, et je ne pus pas prendre sur moi de lui avouer que mon trouble venoit de ce que je n’étois pas accoutumée à danser en grande société.

Sa conversation étoit pleine de bon sens et d’esprit, son air et son abord noble et aisé, ses manières douces, po-