Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

rences, dont il serait possible d’augmenter le nombre si nous possédions plus de Sûtras, je crois devoir répéter ici ce que j’ai avancé plus haut touchant l’analogie de ces deux espèces de traités ; et je n’hésite pas à ajouter que les observations auxquelles donnent lieu les analyses qui vont suivre s’appliquent à peu près aussi exactement aux légendes qu’aux Sûtras.

Avant de passer à l’examen comparatif des livres qui portent le titre de Sûtra, je crois indispensable de faire connaître, par une analyse rapide, un des traités de ce genre qu’on nomme spécialement Mahâyâna sûtras, ou Sûtras servant de grand véhicule. Il m’eût été facile d’en choisir un plus étendu, mais je n’aurais pu guère en trouver un plus célèbre et qui traitât d’un sujet plus familier aux Buddhistes du Népâl. Je suppose que quand on en aura lu l’extrait, on ne me reprochera pas de n’avoir point reproduit le texte en entier.

Le Mahâyâna sûtra dont je vais parler a pour titre Sukhavatî vyûha, c’est-à-dire « la Constitution de Sukhavatî, » terre fabuleuse qu’habite le Buddha divin Amitâbha. Le lieu de la scène du Sûtra est Râdjagrĭha[1], dans le Magadha ; le dialogue a lieu entre Çâkyamuni et Ânanda. Il s’ouvre par l’expression de l’admiration qu’éprouve le disciple à la vue du calme des sens et de la perfection de la beauté physique du Buddha Çâkya. Ce dernier lui répond que quand le Buddha devrait vivre un nombre incalculable de Kalpas ou d’âges du monde, ce calme et cette perfection subsisteraient sans jamais s’altérer. Pour expliquer ce merveilleux avantage, Çâkya raconte que bien avant un grand nombre de Buddhas qu’il énumère, il y eut un Tathâgata nommé Lôkêçvara râja, qui avait parmi ses auditeurs un Religieux nommé Dharmâkara. Ce Religieux demanda un jour à son maître de l’instruire, de manière qu’il pût atteindre à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, et se représenter l’ensemble des qualités qui distinguent une terre de Buddha. Le maître invite son disciple à s’en faire une idée lui-même ; mais le Religieux répond qu’il n’y peut réussir seul et si le Tathâgata ne les lui énumère pas. Lôkêçvara râdja connaissant les dispositions de son disciple, lui expose les perfections qui distinguent les terres habitées par

  1. C’est le nom de l’ancienne capitale du Magadha, où régnait Bimbisâra, père d’Adjâtaçatru, et aussi celui de la nouvelle ville, que ce dernier prince bâtit au nord de la première. (Klaproth, Foe koue ki, p. 266 et 267.) Il faut lire les intéressantes remarques dont cette ville célèbre a été l’objet de la part de Wilson. (Journ. Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 130 et 131.) En rappelant que Râdjagrĭha avait été la capitale de Djarâsandha, l’un des anciens rois du Magadha, contemporain de Krichṇa, il renvoie à la description des ruines de cette ville, qui a été donnée par un Djâina au service du colonel Mackenzie, et insérée dans deux recueils dont je ne puis consulter qu’un seul. (Quart. Orient. Magaz., juillet 1823, p. 71 sqq.) Cette description, qui est fort détaillée, prouve ce qu’un voyageur intelligent pourrait faire de découvertes curieuses dans les provinces où a régné le Buddhisme. Voyez encore The History, etc., of East India, t. I, p. 86, et Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 136, note.