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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

-même, et à peine l’a-t-il exprimé, qu’aussitôt Amitâbha lance du creux de sa main un rayon qui éclaire d’une telle splendeur la terre qu’il habite, que les êtres qui peuplent le monde de Çâkya peuvent voir le Tathâgata Amitâbha. Çâkyamuni s’adresse alors au Bôdhisattva Adjita (l’Invincible), qui dans notre Lotus est Mâitreya[1], pour lui demander s’il voit toutes ces merveilles. Ce dernier, qui a répondu affirmativement à toutes les questions de Baghavat, lui demande à son tour s’il y a, dans le monde qu’ils habitent, des Bôdhisattvas destinés à renaître dans celui de Sukhavalî. Bhagavat l’assure qu’il y en a un nombre considérable, ainsi que dans le monde du Buddha Ratnâkara qui est situé à l’Orient, dans celui de Djyôtichprabha, du Lôkapradîpa, de Nâgâbhibhu, de Viradjaprabha et de beaucoup d’autres Buddhas. L’ouvrage se termine par l’énumération des mérites promis à celui qui écoutera une telle exposition de la loi. Cette énumération est faite en prose et en vers. Je dois ajouter que le héros de ce traité, Amitâbha, y est quelquefois nommé Amitâyus. Quant au style, la prose est sanscrite ; les vers sont surchargés de formes pâlies, pracrites et barbares, comme ceux du Lotus de la bonne loi[2].

Nous sommes actuellement en mesure non seulement de comparer entre eux les Sûtras proprement dits et les Mahâyânas, mais encore d’apprécier la nature des ressemblances et des différences qui rapprochent ou séparent ces traités de ceux qu’on appelle Mahâ vâipulya ou de grand développement. Il est vrai que je n’ai pu mettre ici, sous les yeux du lecteur, un Sûtra développé dans son entier, et que je serai souvent forcé, dans la discussion qui va suivre, de me référer au Lotus de la bonne loi qui n’a pas encore paru ; mais je puis affirmer que cette lacune est comblée presque complètement par l’analyse que je viens de faire du Sukhavatî vyûha. Rien ne ressemble plus en effet à un Mahâyâna qu’un Mahâ vâipulya, et la différence de ces deux espèces de traités n’est, à vrai dire, qu’une différence de volume.

  1. M. A. Rémusat pense, d’après les autorités chinoises, qu’Adjita (en chinois A yi to) était l’un des disciples de Çâkyamuni pendant son existence humaine, d’où l’on doit conclure qu’il ne prendra le nom de Mâitrêya que quand il paraîtra en qualité de successeur de Çâkya (Foe koue ki, p. 33) ; mais M. Landresse a, je crois, mieux reconnu la véritable valeur du mot Adjita, qu’il prend pour un simple titre de Mâitrêya (Foe koue ki, p, 323, note). J’examinerai plus bas jusqu’â quel point on peut croire qu’il ait paru, au même temps que Çakya, un ou plusieurs Bôdhisattvas dans l’Inde. Quant à présent, je me contente de remarquer que si Adjita était le nom humain de Mâitrêya, il y aurait lieu de se demander pourquoi ce nom n’est pas le seul qui paraisse dans les Sûtras développés, où ce personnage figure comme un des auditeurs du Çâkyamuni. Il résulte évidemment du Lotus de la bonne loi qu’Adjita n’est qu’une épithète.
  2. Csoma de Cörös a déjà donné une courte analyse de ce Sûtra. (Asiat. Researches, t. XX, p. 439 et 440.)