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DU BUDDHISME INDIEN.

roi Açôka est dit avoir vécu deux cents ans après Çâkyamuni. Comment concilier ces deux renseignements contradictoires, si ce n’est de l’une de ces deux manières : ou en reconnaissant qu’il a existé deux Açôkas, confondus en un seul par la tradition ; ou en admettant qu’il y a parmi les Buddhistes du Nord une double tradition, ou si l’on veut deux opinions historiques sur un seul et unique Açôka ? Lorsque nous comparerons les traditions du Buddhisme méridional avec celles des Népâlais, nous verrons combien la première supposition est plus vraisemblable que l’autre. On sait, en effet, que les Buddhistes de Ceylan reconnaissent deux Açôkas : l’un qui a vécu vers l’an 100 depuis la mort de Çâkya ; l’autre qui était souverain de l’Inde centrale, deux cent dix-huit ans après ce même événement, et auquel on attribue l’érection des nombreux Stûpas et des colonnes dont on trouve encore tant de débris dans diverses provinces de l’Inde[1]. En ce moment il suffit à l’objet spécial de ce Mémoire, qui est l’examen critique des autorités écrites du Buddhisme septentrional, de constater que la collection des Avadânas renferme des traités qui n’appartiennent certainement pas à la prédication de Çâkyamuni. Et ce qui est plus important encore à remarquer, c’est que ces traités sont mêlés à des ouvrages contemporains de Çâkyamuni, du moins pour le fonds, sans que rien avertisse le lecteur de la différence capitale qui les distingue les uns des autres. Nous devrons encore tenir compte de cette particularité lorsque nous étudierons la collection du Sud, où cette confusion, contre laquelle la critique doit se mettre de bonne heure en garde, n’a certainement pas eu lieu.

Il est temps de résumer en peu de mots les résultats de la discussion à laquelle a donné lieu la collection dite des Avadânas ou légendes. Je crois donc avoir établi dans le cours de cette discussion :

1° Que ce sont les Avadânas ou légendes qui, dans la collection sanscrite du Népal, représentent la seconde des trois divisions des écritures buddhiques, dite celle du Vinaya ou de la Discipline ;

2° Que les règles de la Discipline ne sont pas plus dogmatiquement exposées dans les Avadânas que ne le sont celles de la morale dans les Sûtras, ce que j’ai démontré par d’amples extraits des Avadânas ;

3° Qu’en étudiant les Avadânas, on y trouve des détails anciens et contemporains de Çakya sur l’ordination des Religieux, sur les noms qu’ils portent, sur les ordres divers dont se compose l’Assemblée des auditeurs du Buddha, sur leur manière de vivre, tant à la suite du Maître que dans les monastères ; sur la hiérarchie et sur les rangs assignés aux Religieux d’après le mérite ; sur diverses

  1. Turnour, Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 714 sqq.