Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

embrasse depuis plusieurs siècles tout l’Occident.

La science peut discerner ce qui dans le christianisme appartient au courant sémitique ou au courant âryen. Le monothéisme chrétien, avec l’idée de la création, qui en est la conséquence, à certainement une origine sémitique ; car ni l’individualité du principe absolu, ni la doctrine qui fait venir le monde de rien, n’ont paru à aucune époque dans les religions âryennes ; il n’y a même pas en sanscrit un terme qui signifie créer au sens que les chrétiens donnent à ce mot[1]. On sait néanmoins à quelle époque et sous quelle influence a été je ne dirai pas introduite, mais discutée et définitivement établie la trinité des personnes divines : ce fut au temps où l’école d’Alexandrie développait sa théorie des hypostases, terme qui fut adopté par les philosophes de cette école ; comme par les chrétiens pour signifier ce qu’on nomma en latin les personnes de la trinité. Entre celles-ci et les hypostases alexandrines, la différence apparente est très-petite, la différence réelle est très-grande. Les docteurs chrétiens ne perdaient pas de vue l’unité individuelle du Dieu créateur, telle qu’ils l’avaient reçue de la tradition sémitique, et les personnes de la trinité ne pouvaient être que des faces diverses de ce dieu, égales entre elles, égales aussi à l’unité fondamentale qui les réunissait. Cette doctrine avait d’ailleurs besoin de s’accommoder avec celle de l’incarnation, que le dogme pur des Sémites était trop étroit pour admettre. La création, la trinité et l’incarnation du Fils sous la figure humaine de Jésus, constituèrent un dogme où l’élément sémitique et l’élément aryen se rapprochèrent sans se confondre.

  1. Les hymmes védiques adressés à Viçwakarman ne le présentent jamais comme créateur, mais simplement comme organisateur ou comme producteur des choses en ce sens qu’il les fait émaner de lui-même. Son nom se traduit littéralement en grec par Παντοϰράτωρ, le Tout-Puissant.