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La philosophie alexandrine, au contraire, est exclusivement âryenne, car elle procède à la fois du platonisme et des doctrines de l’Inde et de la Perse, qui depuis quatre cents ans fermentaient dans Alexandrie. Le panthéisme n’admet ni l’individualité de Dieu séparé du monde, ni la possibilité d’un acte créateur tirant un être du néant. Mais, d’un autre côté, l’être absolu ne peut passer à l’acte ni se développer en vertu de la loi de l’émanation que s’il revêt d’abord ces formes secondes auxquelles les philosophes donnèrent le nom d’hypostases. La diversité de ces hypostases ne permet pas qu’aucune d’elles soit égale à l’être absolu, en qui elles résident ; c’est leur somme qui lui est égale. A son tour et en vertu de la même loi, quand une hypostase se développe, aucun de ses modes n’est égal à elle ; mais elle est égalée par la somme de ses modes. On voit dans quelles limites la doctrine des philosophes exerça son influence sur les premiers développements de la métaphysique chrétienne, et comment celle-ci se trouva également en opposition avec le panthéisme alexandrin et avec le monothéisme sémitique, tout en ayant des affinités avec l’un et l’autre.

Quant à l’incarnation, elle constitue le point de dogme qui aujourd’hui même sépare le plus profondément le christianisme des religions sémitiques. Dans la Bible, Dieu inspire les prophètes ; dans le Koran, il inspire Jésus et Mahomet ; mais pour que Dieu s’incarne, il est nécessaire qu’il y ait en lui plusieurs hypostases : doctrine âryenne en opposition formelle avec le sémitisme. L’orthodoxie chrétienne n’a jamais faibli sur ce point : la doctrine de l’incarnation est le premier fondement du christianisme ; celui qui n’admet pas la divinité de Jésus-Christ n’est pas chrétien. L’histoire des hérésies montre avec quelle énergie le dogme orthodoxe s’est dégagé de toutes celles qui ont seulement paru le com-