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Cette doctrine antisémitique ne resta pas concentrée dans Alexandrie ; elle se répandit promptement dans d’autres églises. La pensée d’Apollos, portée à Corinthe, y produisit un véritable schisme. Déjà Paul avait, pour la réfuter, écrit sa première aux Corinthiens ; mais sa propre opinion n’ayant point prévalu, ils reçurent bientôt une seconde lettre de l’évêque Clément de Rome, constatant et déplorant la division qui régnait parmi eux, les prévenant contre les faux maîtres qui ne reconnaissaient ni Paul ni Pierre, et les engageant à imiter ces deux apôtres, qui, après avoir été divisés quelque temps, s’étaient enfin réconciliés. La lettre de Clément prouve qu’à la fin du 1er siècle, époque où elle fut écrite, le docétisme régnait dans certaines églises d’Orient ; mais elle prouve en même temps que l’église de Rome en était exempte, et que, si la doctrine de Paul n’y était pas encore seule en vigueur, du moins l’influence juive en avait à peu près disparu.

Le Pasteur, composé par Hermas, frère de Pie évêque de Rome, parut vers les années 130 ou 140. Il fut comme une suite de la lettre de Clément et de l’évangile de saint Luc. Quoiqu’il n’avançât pas beaucoup au delà de saint Paul dans l’exposition des doctrines secrètes, il avait l’avantage de les répandre dans l’église, de les préciser sur un grand nombre de points, de les approfondir et surtout de les poser nettement en face de ceux qui niaient soit la divinité du Christ, soit son humanité. Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène considérèrent cet écrit comme canonique, et nous pouvons le regarder comme formant dans la manifestation du secret un anneau de la chaîne qui unit saint Paul à saint Jean.

Nous ne voulons pas, malgré l’intérêt du sujet, obliger le lecteur à nous suivre à travers les écrits d’Ignace, de Polycarpe, de saint Justin, ni à travers ces récogni-