Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions et homélies qui portent le nom de Clémentines et retracent la doctrine des apôtres. Nous arrivons à cette belle œuvre d’un auteur contesté, qui a pour titre Épitre à Diognète. Elle est à peu près contemporaine du Pasteur d’Hermas. La forme en est belle, surtout quand on la compare aux écrits des premiers chrétiens. L’éloquence y est constamment soutenue par une élévation de pensée et une précision de doctrine que le Pasteur n’atteignait pas. Si Marcion en fut l’auteur, il faut avouer que ses opinions avaient beaucoup changé à l’époque où dans Rome, en présence d’une église déjà fortement constituée et de dogmes que saint Paul avait définis clairement une première fois, il devint le chef d’une école où l’on niait absolument l’humanité du Christ et sa réalité charnelle ; car la lettre à Diognète porte un caractère tout à fait évangélique, le docétisme n’y paraît pas : elle n’est qu’une affirmation nouvelle de la science secrète enseignée par Paul ; enfin elle est une véritable introduction à l’évangile de saint Jean.

Trente ans s’étaient à peine écoulés, qu’un docétiste de Babylone, Tatien, publiait l’Harmonie des quatre Évangiles. L’évangile de Jean était donc connu à cette époque, et son apparition doit être placée entre les années 160 et 170 de notre ère. Dans l’intervalle, Marcion, se posant comme l’antagoniste de Polycarpe, évêque de Smyrne, soutenait, avec une grande apparence de raison, que le Dieu des chrétiens n’est pas celui des Juifs, que le Christ n’est pas leur Messie, que le Messie leur est particulier, tandis que le Christ est universel. Mais il ajoutait que le Christ ne s’était point incarné, si ce n’est en apparence ; que les Juifs à Capernaüm n’avaient vu devant eux qu’un fantôme ; qu’il n’avait pas souffert sur la croix et qu’il n’avait pu mourir. Marcion ne connaissait pas l’évangile de Jean, mais, il adoptait celui de Luc en l’altérant selon ses propres idées. Une grande