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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/129

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partie des chrétiens se ralliait aux opinions de Marcion, rendues vraisemblables par un style élégant et une éloquence persuasive ; là doctrine du secret était menacée dans ses fondements.

C’est alors que parut l’évangile selon Jean, le dernier et le plus métaphysique des quatre récits qui composent le canon évangélique. Tout paulinien a pu l’écrire ; mais il est plus probable qu’il existait déjà, et qu’il était connu des docteurs chrétiens, car plusieurs phrases sont citées dans les Clémentines et dans les écrits théologiques de l’évêque Hippolyte[1], du premier Tatien, disciple de saint Justin, du philosophe chrétien Athénagore et de Théophile, évêque d’Antioche, dont l’Apologie fut composée au milieu du IIe siècle. Pierre, Jacques et Jean étaient les trois plus chers disciples de Jésus, et nécessairement ses trois plus intimes confidents ; mais, comme disciple bien-aimé, Jean dut être celui à qui Jésus confia le secret tout entier. Son évangile, écrit en araméen, dut être traduit pour être compris de ceux qui suivaient les doctrines de Marcion, d’Ébion ou de Cérinthe. Comme la vie supérieure du Christ était un mystère divin, Jean avait pu la raconter en cette langue en se plaçant déjà à ce point de vue élevé ; mais le temps où elle pouvait être comprise n’arriva que quand les controverses eurent préparé les esprits, et que la vie réelle de Jésus eut pris les aspects fantastiques que donne un passé déjà lointain.

C’est donc dans l’Évangile de saint Jean qu’il faut chercher les formules définitives de la métaphysique chrétienne, formules que saint Paul lui-même n’avait qu’incomplètement révélées et dont la couleur asiatique n’échappera à personne. Il est nécessaire pour la suite de ce travail de les résumer en peu de mots.

  1. Voyez sur Hippolyte une étude de M.A. Réville, dans la Revue des Deux-Mondes du 15 juin 1865.