Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/261

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est absolument indépendante de celle des autres.

La naissance d’une communion orthodoxe suppose, chez ceux qui en font partie, une unité de pensée qu’il est bien difficile d’atteindre, et qui probablement n’est jamais entièrement réalisée. En supposant qu’au moment où leur collége se forme, ils soient d’accord sur tous les points de la théorie, leur vie s’écoule, leur intelligence grandit, leurs principes se développent dans des conséquences toujours nouvelles ; et si quelque divergence naît entre eux, elle va en augmentant comme l’écartement de deux rayons. Si ces principes sont assez flexibles pour que d’apparentes contradictions viennent s’y concilier et que la communion religieuse prenne de la durée, on voit apparaître en elle et grandir rapidement ce que l’on désigne aujourd’hui par ces deux mots contradictoires, le principe d’autorité. En d’autres termes, ceux qui font partie du collège font abnégation de toute volonté privée ; ils prennent le parti et se font entre eux la promesse de se soumettre au jugement de la majorité, lors même qu’elle est contraire à leurs opinions personnelles. Il n’est pas possible qu’une orthodoxie se conserve sans cet accord exprès ou tacite : toutes les assemblées religieuses, anciennes ou modernes, bouddhiques ou chrétiennes, où des dogmes ont été discutés et adoptés, ont admis ce principe et l’ont pratiqué. L’opinion de la majorité est devenue article de foi ; et ce qu’on nomme « la volonté individuelle » y a fait acte de soumission et de renoncement. C’est ce qui vient d’être prouvé une dernière fois par la conduite de plusieurs évêques catholiques, qui, après avoir combattu l’infaillibité du pape, s’y sont soumis.

Toute orthodoxie repose donc sur une convention, et cette convention implique un effort presque surhumain, dont le succès a toujours fait supposer une grâce divine.