Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/262

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Dans les orthodoxies organisées, dans les grandes églises, le même phénomène se produit avec de plus vastes proportions. Elles reposent en effet sur l’existence simultanée d’un clergé et d’un peuple de fidèles. Il est même arrivé que le clergé, descendant au rang des fidèles et se faisant semblable au peuple, s’est déchargé sur un seul du soin de s’instruire, de discuter les questions et de fixer les formules de la foi. Dans l’un comme dans l’autre cas, les laïques reçoivent toutes faites ces formules, les répètent sans qu’il soit besoin pour eux d’en comprendre la valeur idéale, et les prennent seulement pour règles de conduite, bien ou mal interprétées. C’est ce qui est arrivé dans presque toutes les religions, à des degrés divers, et d’autant plus qu’elles ont revêtu plus complètement la forme d’orthodoxies.

Dans l’Inde brâhmanique, l’abnégation des laïques a été si grande que les différentes castes ont consenti à ne recevoir que des parts inégales de la doctrine sacrée, à participer aux cérémonies du culte dans des mesures diverses et même à y demeurer étrangères. Aussi, quand le bouddhisme, œuvre non d’un prêtre, mais d’un râja, vint proclamer l’égalité religieuse entre les hommes et les appeler tous au sacerdoce, il vit accourir à lui les castes inférieures, que le brâhmanisme avait dépouillées de ce droit naturel. Il en fut de même à l’occident : le sacerdoce était une institution aristocratique et de caste, non seulement chez les Perses et les Juifs, mais même dans le monde gréco-romain, lorsque le christianisme s’efforça de les rallier tous.

Plus tard ces deux religions, qui semblaient devoir rendre à l’individu les droits qui lui appartiennent, les lui retirèrent, et leurs églises fondèrent les orthodoxies les plus hostiles à la pensée individuelle qui