Aller au contenu

Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/696

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
655
APPENDICE. — N° X.

pouvoir proposer. « Piyadasi, le roi chéri des Dêvas, a parlé ainsi : La vingt-sixième « année depuis mon sacre j’ai fait écrire cet édit de la loi. Le bonheur dans ce monde et dans l’autre est difficile à obtenir sans un amour extrême pour la loi, sans une extrême attention, sans une extrême obéissance, sans une crainte extrême, sans une extrême persévérance. Aussi est-ce là mon commandement, que la recherche de la loi et l’amour « de la loi aient crû et croissent à l’avenir dans le cœur de chacun. Et que mes gens aussi, tant les premiers que ceux des villages et ceux de condition moyenne, obéissent à cet ordre et l’exécutent ; il faut qu’ils suppriment toute inconstance. De la même manière doivent agir les grands ministres eux-mêmes ; car ceci est le commandement [que je proclame], que le gouvernement ait lieu par la loi, le commandement par la loi l’extension du bonheur par la loi, la protection par la loi. »

J’ai traduit aussi littéralement qu’il m’a été possible, donnant aux endroits difficiles le sens le plus vraisemblable ; il faut entendre tout le passage en ce sens, que le roi s’adresse à ses sujets et aux délégués de la puissance royale. Piyadasi voulant que la vertu s’accroisse dans le cœur de chacun, exige de ses subordonnés qu’ils se conforment à l’ordre qu’il proclame, sans hésitation aucune, et qu’ils l’exécutent. De plus la règle qu’il établit, c’est que l’on gouverne, que l’on commande, que l’on répande le bonheur et que l’on protège le peuple par l’observation de la loi.

Il suffira maintenant de quelques observations sur les termes douteux ou difficiles. Le premier mot hidatapâlatê se présente grammaticalement avec la forme d’un nominatif masculin mâgadhî ou d’un nominatif neutre, comme dânê, satchtché, pour dânam̃, satyam̃, ou encore d’un accusatif pluriel masculin ou neutre pâli ; c’est le rôle qu’on assignera au mot suivant qui devra déterminer notre choix entre ces diverses valeurs. Quant au sens même du mot, il résulte de l’interprétation qu’a donnée Lassen des deux adjectifs hidatika et pâlatika, « ce qui se rapporte au monde d’ici-bas, et ce qui se rapporte à l’autre monde[1]. » En admettant que hida n’est qu’une forme populaire de l’antique adverbe idha dont le sanscrit classique est iha, « ici, » le mâgadhî hidata doit être la réunion de ida et de ta, pour le suffixe de lieu tra, dans cet endroit-ci, » comme pâlata pour pârata représente le sanscrit paratra, « ailleurs, dans un autre lieu. » Ces adverbes sont ensuite employés, sans doute par un abus de langage qui tient aux habitudes d’un dialecte populaire, comme de véritables noms neutres, « ce qui est ici, ce qui est ailleurs. »

Il n’est pas aisé de faire avec la lecture actuelle autre chose qu’un subjonctif de dusampaṭipâdayê (pour le sanscrit duḥsaṁpratipâdayêt), ou qu’une première personne du présent moyen (pour duḥsam̃pratipâdayê), « qu’il accomplisse difficilement, ou j’accomplis difficilement. » La première interprétation offre quelque vraisemblance, en ce que dans cet édit le roi parle non pour lui, mais pour commander aux autres. J’ai dit, avec la lecture actuelle ; car si l’on pouvait trouver ici un participe comme sampatipâdiyê, pour le sans-

    encore fautif en quelques endroits. Ainsi on trouve la désinence de l’instrumentai féminin écrite à la fois aya et âyâ. De ces deux orthographes une seule doit être correcte, et je crois que c’est la première. De même la copule tcha est écrite tantôt tchâ, et tantôt tcha. Ces incorrections doivent rester sur le compte du graveur indien.

  1. Lassen, Ind. Alterth. t. II, p. 258, note 1.