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§ 460. Timere nē. — Timere ut.

Les verbes timēre, metuĕre, verēri, pavēre (craindre, appréhender, avoir peur), offrent une particularité remarquable. Si vous dites : « Je crains qu’il ne pleuve, » vous exprimez le désir qu’il n’y ait pas de pluie, et il est naturel que la proposition subordonnée soit négative ; vous traduisez donc : Metuo ne pluat.

Mais si vous dites, « Je crains qu’il ne pleuve pas, » vous désirez évidemment qu’il pleuve ; et le latin, qui ne s’arrête qu’à cette idée de désir, donne à la proposition subordonnée le tour affirmatif : Metuo ut pluat, ou, comme deux négations valent une affirmation : Metuo ne non pluat.

De ces observations résultent les deux règles suivantes :

1° Si la proposition subordonnée exprime une chose qu’on désire ne pas voir arriver, on la rendra par ne avec le subjonctif : « Je crains d’augmenter le travail, en voulant le diminuer (je désire ne pas l’augmenter), » Vereor ne, dum minuĕre velim laborem, augeam, Cic. — « Je crains que vous ne soyez trompé par les ruses des méchants (je désire que vous ne soyez pas trompé), » Metuo ne dolis malorum capiaris. — « Je ne crains pas que vous fassiez quelque acte de faiblesse (je désire que vous n’en fassiez pas), » Non vereor ne quid timide facias, Cic.

2° Si la proposition subordonnée exprime une chose dont on désirerait l’accomplissement, on la rend par ut ou par ne non avec le subjonctif : « Je vois que vous prenez sur vous toutes les fatigues ; je crains que vous n’y résistiez pas (je désire que vous y résistiez) », Omnes labores te excipere video ; timeo ut sustineas, Cic. — « Je crains que la lettre n’ait pas été remise (je désire qu’elle l’ait été) », Vereor ne litteræ redditæ non fuerint, Cic.

Rem. Lorsque le verbe craindre signifie balancer, hésiter à, faire difficulté de, il s’exprime ordinairement par dubitare, et le second verbe se met à l’infinitif : « Il ne craignit pas d’entrer dans le sénat, » In senatum introire non dubitavit, Cic.

Timere, metuere, vereri sont quelquefois employés dans le même sens et avec la même construction, principalement chez les poëtes : Nil metuunt jurare, Catull. (il n’est rien qu’ils craignent de jurer = aucun serment ne leur coûte).