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ici des livres plus anciens de Sanctius, de Vossius, de Ruddimann, ni des Grammairiens latins. J’ai tout consulté, et, autant que le plan et le but de mon travail le permettaient, j’ai tout mis à profit.

Mais si j’ai fait usage des matériaux étrangers, c’est avec une critique indépendante et un choix parfaitement libre. Les observations que je n’ai pu manquer de recueillir dans un long exercice de l’enseignement, jointes à l’étude comparative des principaux idiomes de la famille dont le latin est une branche, m’ont permis de me former sur beaucoup de points une opinion personnelle. Toutes les idées dont la vérité m’a paru incontestable, qu’elles soient miennes ou qu’elles me viennent d’autrui, je les exprime sous ma responsabilité propre, selon que l’ordre des matières les amène, sans rien discuter, sans rien mettre en problème ; le scepticisme et la polémique doivent être sévèrement bannis d’un livre destiné à l’enseignement.

Celui-ci est tout pratique, et j’ai eu soin de n’y rien mettre qui ne fût à la portée des plus jeunes intelligences. Toutefois, si les règles que je donne sont simples, elles ne sont pas mécaniques. Le temps n’est plus où l’on n’accordait au jeune âge qu’une mémoire toute passive. Il n’est pas aujourd’hui un maître éclairé qui ne sache que l’enfant raisonne, et qu’il raisonne avec une justesse qui surprend quelquefois les hommes faits, tant qu’on n’a pas laissé pénétrer d’idées fausses dans son esprit. C’est à nous, qui enseignons, de cultiver une faculté si précieuse, et l’étude des langues nous en fournit le moyen le plus direct et le plus infaillible. La grammaire est la logique des enfants, et cette logique, ils l’apprennent, pour ainsi dire, sans s’en apercevoir, parce que l’application marche toujours à côté du précepte. L’art est de leur montrer les choses une à une, avec ordre, en passant toujours du connu à l’inconnu, du simple au composé, de ce qui est facile à ce qui l’est moins.

La logique grammaticale a son domaine propre dans la syntaxe ; mais il ne faut pas croire qu’elle soit étrangère à la théorie des formes. Les mots dont se compose une langue ne sont pas des signes purement conventionnels, inventés séparément, et indépendants l’un de l’autre. Ils forment un ensemble harmonique, dont chaque partie se développe suivant des lois fondées sur les habitudes de notre esprit et sur la nature de nos organes, lois en vertu desquelles une seule racine produit une foule de dérivés, qui s’y rat-