Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/134

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LE RUISSEAU.

IDYLLE.


Ruisseau, nous paraissons avoir un même sort ;
D’un cours précipité nous allons l’un et l’autre,
Vous à la mer, nous à la mort :
Mais, hélas ! que d’ailleurs je vois peu de rapport
Entre votre course et la nôtre !
Vous vous abandonnez sans remords, sans terreur,
A votre pente naturelle ;
Point de loi parmi vous ne la rend criminelle.
La vieillesse chez vous n’a rien qui fasse horreur.
Près de la fin de votre course
Vous êtes plus fort et plus beau
Que vous n’êtes à votre source.
Vous retrouvez toujours quelqu’agrément nouveau.
Si de ces paisibles bocages
La fraîcheur de vos eaux augmente les appas,
Votre bienfait ne se perd pas ;
Par de délicieux ombrages
Ils embellissent vos rivages ;
Sur un sable brûlant, entre des prés fleuris,
Coule toujours votre onde pure ;
Mille et mille poissons dans votre sein nourris
Ne vous attirent point de chagrins, de mépris :
Avec tant de bonheur d’où vient votre murmure ?
Hélas ! votre sort est si doux !
Taisez-vous, ruisseau, c’est à nous
À nous plaindre de la nature.