Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/339

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Cependant tu t’enorgueillis
De vivre dans l’indépendance ;
Je ne t’envirai point ce bonheur si vanté ;
Car je conviens que de la liberté
Je n’ai jamais compris les charmes.
Dans ce jardin nous vivons sans alarmes,
Dans l’abondance et la tranquillité.
Notre maître avec vigilance
Veille sur nous du matin jusqu’au soir ;
La pompe, les châssis, les cloches, l’arrosoir,
Nous tenant lieu de providence,
Nous préservent de tous les maux ;
Nous bravons le soleil, le vent et les oiseaux,
Et des hivers la funeste influence :
D’ailleurs aucune dure loi
Ne me contraint tout comme toi ;
J’étends mes longs rameaux suivant ma fantaisie,
Rien ne me gêne ou ne me contrarie,
Et chaque jour je rends grace au destin
Qui m’a fait naître en ce jardin.
Que m’importe d’avoir un maître,
Lorsque je ne m’en aperçoi
Que par les soins qu’il prend de moi ?
— Fort bien, répondit l’if champêtre ;
Mais ce maître plein de douceur
Ne peut-il pas avoir un méchant successeur ?
Ne peut-il pas aussi changer de caractère,
Ou bien déguiser ses défauts ?
Pour moi, je l’avourai, je ne me firois guère
À ce jardinier débonnaire ;
Souvent il se promène avec certaine faulx
Qui me paroit d’un très-mauvais présage,
Et qui devroit te causer quelque ombrage.
Tiens, le voilà ! … Quel aspect effrayant !