TRADUCTION
DU
PROLOGUE DES LAIS DE MARIE DE FRANCE,
PAR B. DE ROQUEFORT.
Ceux à qui le ciel a départi le talent oratoire, loin
de cacher leur science, doivent au contraire révéler leur
doctrine et la propager. L’homme qui publie les bons
exemples, est alors bien digne d’estime ; aussi est-il
loué de tous dès l’instant où il les met en pratique.
D’après le témoignage de Priscien[1], on voit qu’il était
d’usage parmi les écrivains de l’antiquité, de placer
parfois dans leurs ouvrages des passages obscurs, dans
le dessein d’embarrasser ceux qui, par la suite, voudraient
les étudier et les interpréter. C’est par cette
raison que les philosophes qui les entendent parfaitement,
parce qu’ils ont consacré leur temps à cette
étude, s’attachent à commenter et à expliquer ce qui
pourrait paraître diffus. Les philosophes savent se garantir
de faire ce qui est mal, et ceux qui désirent marcher
sur leurs traces doivent étudier et s’instruire, se
donner de la peine pour en recueillir le fruit. D’après
les exemples qui viennent d’être rapportés, j’avais eu
d’abord l’intention de traduire quelque bonne histoire
du latin en français ; mais je m’aperçus bientôt que
beaucoup d’autres écrivains avaient entrepris un semblable
travail, et que le mien offrirait un faible inté-
- ↑ Priscien de Césarée, en latin Priscianus, célèbre grammairien du VIe siècle, qui vint enseigner à Constantinople, où il s’acquit une brillante réputation.