Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/137

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bagatelles, sachant bien que, s’il alloit sçavoir par d’autres voies de certaines choses indifférentes, que l’on rend criminelles en les redisant, cela feroit le plus méchant effet du monde. Elle ne garde aucune mesure avec lui sur la confiance ; elle lui dit non seulement ses propres secrets, mais ceux même qu’elle a pu savoir autrefois, ou qu’elle apprend d’ailleurs tous les jours. Elle traite les gens de ridicules qui disent qu’étant maîtresse du secret d’autrui, nous ne le devons pas dire à nos amans. Elle répond à cela que, s’ils nous aiment toujours, ils n’en diront jamais rien, et que, s’ils viennent à nous quitter, nous aurions bien plus à perdre que le secret de notre ami ; mais elle croit qu’on ne les doit jamais regarder comme n’en devant plus être aimées, et qu’autrement nous serions folles de leur accorder des faveurs.

Sa maxime est enfin que qui donne son cœur n’a plus rien à ménager ; elle sait qu’il n’y a que deux rencontres où elle se pourroit dispenser de dire tout à son amant, l’un s’il étoit fort étourdi, et l’autre s’il avoit eu quelque galanterie auparavant la sienne : car il seroit imprudent à elle de lui en parler, à moins qu’il la pressât fort, et en ce cas-là ce seroit lui qui attireroit le chagrin qu’il en recevroit.

Enfin une honnête maîtresse croit que ce qui justifie son amour même auprès des plus sévères, c’est quand elle est vivement touchée, quand elle prend plaisir à le faire bien voir à son amant, quand elle le surprend par mille petites grâces à quoi il ne s’attend pas, quand elle n’a rien de réservé pour lui, quand elle s’applique à le faire estimer de tout le monde, et qu’enfin e