Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/138

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lle fait de sa passion la plus grande affaire de sa vie. À moins que cela, Madame, elle tient que l’amour est une débauche, et que c’est un commerce brutal et un métier dont des femmes perdues subsistent.

Mademoiselle Cornuel ayant cessé de parler : « Bon Dieu ! dit madame d’Olonne, les belles choses que vous venez de dire ! mais qu’elles sont difficiles à pratiquer ! J’y trouve même un peu d’injustice, car enfin, puisque nous trompons bien même nos maris, que les lois ont faits nos maîtres, pourquoi nos amans en seroient-ils quittes à meilleur marché, eux que rien ne nous oblige d’aimer que le choix que nous en faisons, et que nous prenons pour nous servir, et tant et si peu qu’il nous plaira ? — Je ne vous ai pas dit, reprit mademoiselle Cornuel, que nous ne devions quitter nos amans quand ils nous déplaisent, ou par leur faute ou par lassitude, mais je vous ai fait voir la manière délicate dont il vous falloit dégager pour ne leur pas donner sujet de crier dans le monde : car enfin, Madame, puisqu’on a mis si tyranniquement l’honneur des dames à n’aimer pas ce qu’elles trouvent aimable, il faut s’accommoder à l’usage, et se cacher au moins quand on veut aimer. — Eh bien ! ma chère, lui dit madame d’Olonne, je m’en vais faire merveille : j’y suis tout à fait résolue ; mais avec tout cela je fonde les plus grandes espérances de ma conduite sur la fuite des occasions. — Que ce soit fuite ou résistance, dit mademoiselle Cornuel, il n’importe, pourvu que votre amant soit satisfait de vous. » Et là-dessus, l’ayant exhortée à demeurer ferme en ses bonnes intentions, elle lui dit adieu.