les conversations qu’il eut avec madame d’Olonne, il ne lui parla que
de l’amour que ce prince avoit pour elle ; il lui dit qu’il le lui
avoit témoigné plus de cent fois pendant le voyage, et qu’elle le
verroit assurément soupirer aussitôt qu’il seroit revenu. Une femme
qui avoit des bourgeois et des gentilshommes, les uns bien et les
autres mal faits, pouvoit bien aimer un beau prince. Madame d’Olonne
reçut la proposition du comte de Guiche avec une joie qu’on ne peut
exprimer, et si grande qu’elle ne fit pas seulement les façons que des
coquettes font en de pareilles rencontres. Un autre eût dit qu’elle ne
vouloit aimer personne, mais moins un prince que qui que ce fût,
parcequ’il n’auroit pas tant d’attachement. Madame d’Olonne, qui étoit
la plus naturelle femme du monde et la plus emportée, ne garda pas de
bienséance, et répondit au comte de Guiche qu’elle s’estimoit plus
qu’elle n’avoit encore fait, puisqu’elle plaisoit à un si grand prince
et si raisonnable. Lorsque la cour fut revenue à Paris, le duc d’Anjou
ne répondit point aux empressemens à quoi le comte avoit préparé
madame d’Olonne, qui se livra tout entière. Tout cela ne lui produisit
rien, et ne servit qu’à lui faire connoître l’indifférence que le
prince avoit pour elle. Le comte de Guiche, voyant que le prince ne
mordoit point à l’hameçon, changea de dessein, et voulut au moins que
les services qu’il avoit voulu rendre à madame d’Olonne lui servissent
de quelque chose auprès d’elle. Il résolut donc d’en faire l’amoureux,
et, pour ce que le commerce qu’il avoit eu avec elle sur les amours du
duc d’Anjou lui avoit donné de grandes familiarités,