Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/149

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raison, ou si vous n’en avez point, continuez à me dire ce que vous sçavez, comme vous avez accoutumé.—Je vous demande pardon, mon pauvre Vineuil, lui dit le comte de Guiche ; mais madame d’Olonne, en m’accordant les dernières faveurs, avoit exigé de moi que je ne vous en parlasse point, ni à Fiesque encore moins qu’au reste du monde, parcequ’elle disoit que vous étiez méchant et Fiesque jalouse. Quelque indiscret qu’on soit, il n’y a point d’affaire qu’on ne tienne secrète dans le commencement, quand on a pu se passer de confident pour en venir à bout. Je l’éprouve aujourd’hui, car naturellement j’aime assez à conter une aventure amoureuse ; cependant j’ai été trois jours sans vous conter celle-ci, vous à qui je dis toutes choses. Mais donnez-vous patience, mon cher ; je m’en vais vous dire tout ce qui s’est passé entre madame d’Olonne et moi, et, par un détail le plus exact du monde, réparer en quelque manière l’offense faite à l’amitié que j’ai pour vous.

« Vous saurez donc qu’à la première visite que je lui rendis après lui avoir écrit la lettre que vous avez vue, il ne me parut à sa mine ni rudesse, ni douceur ; et la compagnie qui étoit chez elle empêcha de m’en éclaircir mieux. Tout ce que je pus remarquer fut qu’elle m’observoit de temps en temps. Mais y étant retourné le lendemain et l’ayant trouvée seule, je lui représentai si bien mon amour et la pressai si fort d’y répondre, qu’elle m’avoua qu’elle m’aimoit, et me promit de m’en donner des marques, à la condition que je viens de vous dire. Vous sçavez bien que je lui voulus promettre tout. Dans ces momens-là nous