Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/150

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ouïmes du bruit, de sorte que madame d’Olonne me dit que je revinsse le lendemain, un peu devant la nuit, deguisé en fille qui lui apporteroit des dentelles à vendre. M’en étant donc retourné chez moi, je vous y trouvai, et vous pûtes bien voir par la froideur avec laquelle je vous reçus et je vous parlai que tout le monde m’importunoit alors, et particulièrement vous, mon cher, de qui j’étois plus en garde que de personne. Vous vous en aperçûtes aussi, et c’est ce qui vous fit soupçonner que je ne vous disois pas tout. Lorsque vous fûtes sorti, je donnai ordre que l’on dît à ma porte que je n’étois pas au logis, et je me préparai pour ma mascarade du lendemain. Tout ce que l’imagination peut donner de plaisir par avance, je l’eus vingt-quatre heures durant ; les quatre ou cinq dernières me durèrent plus que les autres ; enfin, celle que j’attendois avec tant d’impatience étant arrivée, je me fis porter chez madame d’Olonne. Je la trouvai en cornette sur son lit, avec un deshabillé couleur de rose. Je ne vous sçaurois exprimer, mon cher, comme elle étoit belle ce jour-là ! Tout ce que l’on peut dire est au dessous des agrémens qu’elle avoit : sa gorge étoit à demi découverte ; elle avoit plus de cheveux abattus[1] qu’à l’ordinaire et tout annelés ; ses yeux étoient plus brillans que les astres ; l’amour et la couleur de son visage animoient son teint du plus beau vermillon du monde. « Eh bien, mon cher ! me dit-elle, me sçaurez-vous bon gré de ce que je vous épargne la peine de soupirer long-temps ? Trouvez-

  1. Au dessous des deux raies circulaires qui s’élevoient du milieu du front et gagnoient le derrière de l’oreille.