Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/151

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vous que je vous fasse trop acheter les grâces que je vous fais ? Dites, mon cher ? ajouta-t-elle. Mais quoi ! vous me paroissez tout interdit.—Ah ! Madame, lui répondis-je, je serois bien insensible si je conservois du sang-froid en l’état où je vous vois ! —Mais puis-je m’assurer, me dit-elle, que vous ayez oublié la petite Beauvais et la comtesse de Fiesque ? —Oui, lui dis-je, Madame, vous le pouvez. Et comment me souviendrois-je des autres, ajoutai-je, que vous voyez bien que je me suis presque oublié moi-même.—Je ne crains, répliqua-t-elle, que l’avenir : car, pour le présent, mon cher, je me trompe fort si je vous laisse penser à d’autres qu’à moi. » Et en achevant ces paroles elle se jeta à mon col, et, me serrant avec ses bras que vous connoissez, elle me tira sur elle. Ainsi tous deux couchés, nous nous baisâmes mille fois, n’en voulant pas demeurer là, et cherchant quelque chose de plus solide, mais de ma part inutilement. Il faut se connoître, Vineuil, et savoir à quoi l’on est propre. Pour moi, je vois bien que je ne suis pas né pour les dames ; il me fut impossible d’en sortir à mon honneur, quelque effort que fît mon imagination et l’idée et la présence du plus bel objet du monde. « Qu’y a-t-il, me dit-elle, Monsieur, qui vous met en si pauvre état ? Est-ce ma personne qui vous cause du dégoût, ou si vous ne m’apportez que le reste d’une autre ? »

« La honte que me fit ce discours, mon cher, acheva de m’ôter les forces qui me restoient. « Je vous prie, Madame, lui dis-je, de ne point accabler un misérable de reproches ; assurément je suis ensorcelé. » Au lieu de me répondre, elle appelle