Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/152

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sa femme de chambre : « Dites, Quentine, mais dites-moi la vérité, comme suis-je faite aujourd’hui ? Ne suis-je pas malpropre ? Ne trompez pas votre maîtresse : il y a quelque chose à mon fait qui ne va pas bien ». Quentine n’osant répondre en la colère où elle la vit, madame d’Olonne lui arracha un miroir qu’elle avoit. Après avoir fait toutes les mines qu’elle avoit accoutumé de faire quand elle vouloit plaire à quelqu’un, pour juger si mon impuissance venoit de sa faute ou de la mienne, elle secoua sa jupe, qui étoit un peu froissée, et entra brusquement dans son cabinet qu’elle avoit à la ruelle de son lit. Pour moi, qui étois comme un condamné, je me demandois à moi-même si tout ce qui s’étoit passé n’étoit point un songe, avec toutes les réflexions qu’on peut faire en pareil rencontre. Je m’en allai au logis de Manicamp, où, lui ayant conté toute mon aventure : « Je vous ai bien de l’obligation, mon cher, me dit-il, car assurément c’est pour l’amour de moi que vous avez été insensible auprès d’une si belle femme.—Quoique peut-être vous en soyez cause, lui dis-je, je ne l’ai pas fait pour vous obliger. Je vous aime fort, ajoutai-je, je vous l’avoue ; mais avec tout cela je vous avois oublié en ce rencontre. Je ne comprends pas une si extraordinaire foiblesse ; je pense qu’en quittant les habits d’un homme j’en avois quitté les véritables marques. Cette partie est morte en moi par laquelle j’ai été jusqu’ici une espèce de chancelier[1]. Comme j’achevois de parler, un de mes gens m’apporta une lettre de la part de

  1. J’ignore absolument ce que signifie cette manière de parler, et ne l’expliquerai pas.