Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/196

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vous venez d’épouser un amant aimé, et c’est une difficile entreprise de l’ôter de votre cœur et de se mettre en sa place. Cependant je vous aime, Madame, et quand vous devriez, pour n’être pas ingrate, vous servir de cette raison contre moi, je vous avoue que c’est mon étoile, et non pas mon choix, qui m’oblige à vous aimer. » Madame de Châtillon n’avoit jamais eu tant de joie que ce discours lui en donna. M. de Nemours lui avoit paru si aimable[1] que, si c’eût été l’usage que les femmes eussent parlé les premières de leur amour, celle-ci

  1. Henri II de Savoie avoit épousé, le 22 mars 1657, Marie d’Orléans-Longueville, fille de Henri II de Longueville, née le 5 mars 1625, morte bien tard, en 1707, le 16 juin. Elle figure parmi les précieuses sous le nom de Nitocris (Prét., t. 2, p. 308). Elle aimoit les romans de chevalerie. C’est à elle que l’abbé Cotin a dédié le sonnet célèbre :
    Votre prudence est endormie, etc.

    Elle a laissé des Mémoires. Nemours (1624-1652) avoit un frère aîné, Charles-Amédée, beau, brave, spirituel, ami de Condé (Lenet, p. 455). Retz le juge sévèrement ; « Moins que rien (p. 214) pour la capacité. » Nemours est l’un des héros de la Fronde (Mottev., t.3, p. 103), et dès le début. Il reçoit treize blessures à la bataille Saint-Antoine (Mottev., t. 4, p. 340) : il avoit ses prétentions comme un autre (Montp., t. 2, p. 251). Nous avons dit comment on le rendit amoureux de madame de Longueville, sa belle-mère, ma foi.

    Il faut le regarder comme l’un des plus doux et des plus honnêtes coureurs d’aventures de ce temps. Sa vie l’ennuyoit ; il en étoit presque honteux. Madame de Mottevile dit de lui quelque chose qui lui fait honneur (t. 4, p. 348,—1648) :

    « Il avoit mandé au ministre que ses prétentions n’empêcheroient point la paix, et qu’il renonçoit de bon cœur à tous ses avantages pour rentrer dans son devoir, dont il ne s’étoit écarté que par malheur et par l’engagement d’amitié où il s’étoit trouvé avec M. le Prince. »

    La triste querelle de Nemours et de Beaufort (V. Conrart,